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Michel J. Cuny et Françoise Petitdemange

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25 décembre 2018

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du Vol d’hirondelles

 

Vol d’hirondelles

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10 octobre 2008

Les copains d'abord...

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30 septembre 2008

Amour, beauté, désir

Michel J. Cuny - Amour, beauté, désir - Quel avenir? À quel prix?, essai, 1998, 152 pages, 15 euros.

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10____A   

   Ce texte est la transcription, aussi fidèle que la rend possible le passage de l'oral à l'écrit, d'un Séminaire donné par Michel J. Cuny les 7, 21 octobre, 4 et 18 novembre 1997 à la Médiathèque de Romans-sur-Isère (Drôme), sur le thème "Amour et psychanalyse - Introduction à l'oeuvre de Jacques Lacan".

   L'ensemble est placé "Sous le signe d'Aphrodite", à quoi viennent s'ajouter, dès la deuxième partie, "L'amour comme école du désespoir", pour la troisième, "Entre la beauté et le désir : l'amour", et pour la quatrième, "De l'amour à l'utopie de l'éternel retour".

   Vous avez dit "Amour et psychanalyse"?... "Il faut faire attention à ceci que l'analyse n'est pas une doctrine. C'est un questionnement. C'est un questionnement qui est illimité. Certes, on peut répondre. Par exemple, à l'heure actuelle, je réponds sur le "J" de mon nom comme je vous l'ai indiqué. Mais peut-être, dans quatre ou cinq ans, vais-je découvrir autre chose, et me dire : non, c'est plutôt cela... En ce sens, il n'y a pas ici comme une connaissance scientifique. Mais il arrive qu'à tel ou tel moment de sa vie on se dise : effectivement, tel élément voulait, depuis très longtemps, me dire cela. Et je réaffirme que, pour moi, dans la question d'amour, il y a ça ou bien, je dirai, il n'y a rien."

   Vous avez également dit "L'amour est l'école du désespoir"?... "Il faut constamment se souvenir de cela : la vérité est une conquête. Ce n'est donc pas une dégradation que de mentir, ou de se mentir à soi-même, ou de mentir à autrui : le mensonge est la condition normale. La vérité est la condition de l'héroïsme. En chacun de nous existe un héros ; simplement, il sera héroïque comme l'homme ou la femme les plus ordinaires. Et voilà où vient s'insérer l'amour. Si l'amour doit être ce lien d'une intensité extraordinaire entre la langue telle que nous la pratiquons les uns et les autres, et notre propre vie, tout cela ne peut que déboucher sur l'héroïsme. Or, il n'y a pas d'héroïsme sans rapport à la mort."

   La mort!... Mais, alors, la beauté?... " La beauté, c'est le dernier cran avant de tomber directement dans le réel : la charcuterie (de la castration). Et plus que la charcuterie - le désespoir définitif qui consiste à dire : "Plutôt ne pas être né." Ce sont là les derniers termes de ce qu'il peut y avoir de plus important chez l'Œdipe de Sophocle."

   À ce même "banquet" dédié à Aprodite, avaient été conviés : Socrate, Platon, Alcibiade, Ovide, René Descartes, Arthur Rimbaud, Friedrich Nietzsche, Sigmund Freud, Joseph Breuer, Martin Heidegger, et beaucoup d'autres...

25 septembre 2008

Cantilènes pour le XXIème siècle

Michel  J.  Cuny  Cantilènes pour le XXIème siècle, roman, 1996, 330 pages, 20 euros.

9___C

   

   À partir d'une décision mûrement réfléchie de ne plus se revoir pendant deux années, un père et sa fille de dix-sept ans entreprennent une corres-pondance dont le but est de porter aussi loin que possible la ferveur qui les réunit autour d'un même questionnement : qu'est-ce que l'amour tel qu'il s'annonce au seuil de la vie d'adulte? quelles sont ces exigences qui naissent avec lui, et qui parfois sont déjà mortes aussitôt qu'à peine pressenties?

   "Isabelle, ma douce, Je les ai bien vues, ces deux larmes scintillant dans tes yeux. Et aussi, et surtout, ce beau mouvement de tête que j'aime tant, et qui te fait apparaître si belle et si fière sous les coups qui te frappent. L'instant était sans doute de ceux qui fixent une destinée entière. Mais, deux ans, petite fille, ce sera long, et je me maudis déjà de n'en avoir pas exigé la moitié seulement."

   C'est alors qu' apparaît une troublante concordance des temps...

   "Papa chéri, en deux lettres, tu viens de me rattacher à ton amour de dix-sept ans. Comme je crois bien te connaître, je pense qu'il y a en toi quelque chose qui chemine et à quoi tu ne renonceras pas, quoi qu'il advienne. Eh bien, moi non plus! Alors, il faut certainement que tu en définisses toi-même d'urgence les conditions, mais je ne vois pas comment je pourrais éviter de te réclamer ma juste part de complicité dans ce retour au passé."

   Une seconde correspondance s'ouvrira bientôt en direction de ce passé désormais éloigné de vingt-cinq années...

   "Je n'étais alors qu'un enfant au milieu des jeux de l'amour. Et vous, vous étiez si belle et si majestueuse qu'il me semble ne pas avoir été seul à vous croire venue d'une autre planète. Seulement, il y a eu, un jour, votre regard dans le mien. Était-ce un hasard ou la conséquence d'une soudaine forfanterie de ma part? En me croisant, vous m'avez regardé droit dans les yeux : ce fut tout à coup comme un gigantesque roulement de tambour ; comme un ouragan mais si paisible ; comme le saut dans un univers tapissé de coton et bercé par l'un des derniers quatuors de Beethoven."

   Avec ses dix-sept puis dix-huit ans, voici Isabelle, la fille de Rémi, comme Claire, la jeune fille d'autrefois "mystérieuse âme soeur de ces cours de lycée où passent et repassent des jeunes filles aux regards éblouissants de toutes les délicatesses, de toutes les saveurs et de tous les mirages".

   Comment l'initier à ces "exigences qui parfois sont déjà mortes aussitôt qu'à peine pressenties"?

18 septembre 2008

la toiture a pédals

Françoise Petitdemange - la toiture a pédals, roman, 1993, 229 pages, 15 euros.

 

 

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   Après avoir bien joué avec le papier d'emballage, voici le moment, pour Philippe, de découvrir le cadeau que vient de lui offrir sa marraine à l'occasion de ses trois ans.

   - oh une touèture! / - Mais non, vvvoi-ture, répète. / - tttouè-ture!

   une touèture! une touèture a ilipe une touèture iouje

   - Eh ben, monte dedans, ne marche pas à côté. / - Attends, papa...

   papa souve ilipe ilipe souvé papa ilipe an touèture

   - Mets tes pieds sur les pédales. Tiens, là. Mets tes mains, là, et pousse avec tes pieds.

   lé petons a ilipe su pédals papa pousse touèture è ilipe pati vèc touèture

   - Tiens, t'as même le klaxon.

   "tut!"

   Pour Philippe, le monde est peuplé de jouets : les personnes, les choses, les sons, et puis, bien sûr...

   - cè coi dé mos?

   ilipe i lè su lé jenous de papa è i rga lé mos

   - C'est tout ce qu'on dit quand on parle. / - cè coi con di? / - Tous les mots : Philippe, c'est un mot ; maman, c'est un mot ; papa, c'est un mot.

   è touèture?

   - C'est aussi un mot.

   è rouje?

   - C'est encore un mot.

   è nounous?

   - Nounous aussi, c'est un mot. C'est tout ce qu'on dit quand on parle. / - cè ki on?

  Mais bientôt, il va falloir quitter "maman è papa", "nounous è toiture", et puis aussi les mots d'une langue, bien à lui, forgée de toutes pièces dans sa bouche.

   - D'abord, papa, il va t'apprendre à dire ton nom.

   "ton non"

   - Tu es grand maintenant, tu n'es plus un bébé : tu ne peux plus dire Ilippe.

   "a lécole tou le monde se mokrè de touè"

   - A l'école, tu devras bien dire Philippe. Tu comprends?

   papa la lé ieux sévèrs

   - conpri ilipe

   Et puis un jour, un autre capte toutes les attentions.

   le pti frèr i lè dan lé bras de papa

   - Cyrille!

   i lapèle papa mé

   - i nè pa trè côzan

   i la dé toutes petites mins épi dé tous petis piés / je pouré pa jouer avèc lui o fout

   - cè can ke je pouré jouer avèc? / - Pas tout de suite. Il faut encore qu'il grandisse un peu.

   i va ancor faloir du tan pour ki soi gran

  Philippe, lui, il est grand. Et il va à l'école. Et à l'école, il y a Isabelle.

   maman

   - Philippe! Alors, tu viens?

   maman el a le pti frère a la méson philippe i la babel a lécole / lés petis garsons è lés petites filles i regarde maman tou laba o fon de la cour / mé philippe i bouje pa / laca venir

   - Alors, tu viens!

   maman vien chèrcher philippe / lés petis garsons è lés petites filles i dise o rvouar a philippe / moi i fè un pchou avèc la min o petis garsons è o petites filles

   - Ça fait cinq minutes que je t'attends, près de la porte. Tout à l'heure, tu ne voulais pas aller à l'école.

  Pour Philippe, tout est spectacle. Et la télévision n'est autre chose qu'une boîte à fabriquer du spectacle pour petits et grands.

   - chchchuttt!

   lés me sieus i côze plu i regarde la télé è i zécoute lés me sieus qui parle dan la télé / philippe i se mè assi partèr acoté dés me sieus sur lés chèzes / cè rigolo lés me sieus qui joue o ballon / mé philippe i voi pa le ballon è lés me sieus i son tou petis petis petis / ya dés me sieus qui on dés chorts bleus épi ya dés me sieus qui on dés chorts blans

   - cè qui lés me sieus qui joue? / - La France contre l'Italie.

   i di le me sieu jorjel

   - lafranse contre litali?

   L'événement, ce peut être le retour à la maison d'un objet qui, pour être réparé, est resté tellement longtemps en dehors de l'univers quotidien qu'on l'avait perdu de vue. Le voici, tout à coup, qui ressurgit...

  - Tu bouges pas, hein, gamin. Je recule la camionnette.

   le mesieu la disparu / è la camionète el recule tou doussman

   - tien on va ravoir de la muzic

   philippe i va voir

   - papa! vla la boite a muzic! vla la boite a / - La boîte à musique? / - ouiii / - Le juke-boxe, il veut dire.

   Frédéric, c'est le copain, le gêneur, le grand frère, le rival, le confident, l'ami dont, à quatre ans et demi, Philippe n'imagine pas pouvoir se séparer.

   - vien nounours on i va san voiture

   philippe i sore de la voiture è i coure tou vite

   - fré!-dé!-ric! / - ouhou!

   philippe i retien nounours toucontre son coeur avèc le livre è la pome è...   

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17 septembre 2008

Folles errances

Michel J. Cuny - Folles errances - ou l'amour déchiré, roman, 1993, 115 pages, 12 euros.

6___F

6____F   

   Publié en 1993, alors qu'il avait été rédigé dix-huit ans plus tôt sans que les "échafaudages" qui multipliaient indûment son volume par trois aient pu, auparavant, lui être enlevés, ce roman déploie une situation d'amour qui se joue uniquement sur le rapport de paroles saisies dans une poésie du déchirement, qui elle-même n'a d'autre raison d'être que la ferme volonté d'accentuer la "courtoisie" de l'amour...

   Amour courtois, donc : "Ta belle exubérance, Écorchée de tes pleurs, Se tapit en silence, Sous un rien de pâleur."

   Mais amour courtois que l'on voit entrer ici dans la réciprocité... qui fait de ce roman le lieu d'une rencontre conséquemment aussi inouïe que désespérée :

   "- Avec toi, toujours... Tu es revenu, je te garde... J'ai le vent de ta vie pour faire battre mon étendard. Connais-tu d'autres rivages que le mien?

     - Oui, princesse attendue, et j'y retournerai...

     Il reprend lentement :

      - Et j'y retournerai."

   C'est donc au plus serré de la rencontre, que l'amour se découvre comme ce qui va aussi loin que possible dans la direction de la déchirure. Car, tout de même, la mort attend aussi, et peut-être surtout, ceux et celles qui osent le pari du grand amour :

   "- Je t'accueille pour réponse immédiate à toute ma vie d'ici face à ton sourire. Multiplie aussitôt ma parole, si tu peux. L'excellence de notre présent se devine à l'ombre que ne voici plus impalpable... Marie! ciel de souvenirs sur moi relevés, je trépigne de la phrase d'ensuite!...

     - Je te la distribue toute par la prudence, ainsi faite, de mon corps avoué. L'échouage en est assuré, autant que je puis croire. Et le plus lointain soleil, si je l'osais, serait trop pâle à cette soirée de candeur et d'ivresse surtout..."

   Petite affaire, dans le monde ainsi qu'il va, ainsi qu'il dévale!...

15 septembre 2008

La clef des champs

Michel  J.  Cuny  et  Françoise  Petitdemange  La  clef  des  champs, récit autobiographique, 1990, 170 pages, 15 euros.

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   En 1990, alors qu'ils vivent de l'écriture depuis quatorze ans, Michel J. Cuny et Françoise Petitdemange décident de coucher sur le papier les moments essentiels de l'aventure en quoi a consisté pour eux la diffusion de leurs ouvrages.

   Les voici, par exemple, en juillet 1983 : "A Mâcon, nous nous étions installés dans un hôtel parfaitement minable." Circonstance particulière : "... l'achat du bloc de papier pelure de couleur jaune qui devait nous servir de brouillon pour le gros livre alors en préparation : Le feu sous la cendre." Quelques jours s'écoulent, et puis, qu'était-ce?... "Le 14, le 15 juillet 1983? La gendarmerie le sait mieux que nous... Quoi qu'il en soit, ce matin-là, nous avions quitté la chambre vers 10 heures. A midi, nous y étions revenus, prêts à reprendre notre tout jeune manuscrit. Revenus, ou presque... Car, avant de pousser la porte, il faut évidemment saluer le... gendarme que voici... Que peut-il bien faire là? / - Vous n'avez rien entendu, pendant la nuit? / - Non... / La porte de la chambre voisine est entrouverte... Un second gendarme... Plus bas, à l'horizontale, une jambe nue. / - Que s'est-il passé? / - Il s'est pendu. / - Qui était-il? D'où venait-il? Il paraît que l'enquête a fait long feu... Seules certitudes : il avait environ trente-cinq ans, était marié, père de deux enfants, et en instance de divorce."

   Après trois années à Lyon, durant lesquelles "Le feu sous la cendre" est mis au net puis imprimé, direction plein Sud : "Valence, Montélimar, Avignon, Nîmes, puis ce furent Montpellier, Marseille, Toulon... Enhardis, nous allions, durant l'an de grâce 1989, nous éblouir de la France entière... Résultat, pour l'année, au compteur de notre tout petit bolide : 50 000 kilomètres..."

   Et ce n'était encore qu'un tout petit début, en même temps qu'une expérience déjà bien affirmée : "Conséquence de nos voyages : nous voici devenus des spécialistes tout à la fois des bibliothèques municipales et de comités d'entreprise. Ce qui nous permet de mettre des visages en regard du papier Job, des poêles Tefal, des briquets Dupont, et puis encore de Philips, Alsthom, Aérospatiale, I.B.M., Imprimerie Nationale, Générale Sucrière, Péchiney, Rhône-Poulenc, Saint-Gobain, etc., sans parler du réseau bancaire ni des diverses administrations... Mais aussi d'être maintenant particulièrement attachés à des villes ou à des villages comme La Voulte-sur-Rhône, Cambronne-lès-Clermont (1000 habitants), Fragnes (700 habitants), Albertville, Dunkerque, Canteleu-Croisset (chez monsieur Gustave Flaubert), Charleville-Mézières (chez Arthur Rimbaud), Ustaritz (pays basque, moins de 5000 habitants), Saint-Nicolas-de-Port, Grandfontaine (Doubs), Guebwiller, Blagnac, Montauban, Saint-Médard-en-Jallès, Guéret, La Baule, Varennes-Vauzelles, Roubaix, Wervick-Sud, Courrières, Douai, Denain, Elbeuf, Téteghem, Cannes, Nice, Menton (ces trois dernières pour 1990), ainsi qu'à plusieurs centaines d'autres, dont nous espérons pouvoir donner un jour ou l'autre une liste exhaustive."

   Mais un début... Encore qu'un début.

      

22 août 2008

Le dernier chemin

  Françoise Petitdemange - Le dernier chemin, roman, 1981, 151 pages, 15 euros.

 

 

 

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paysanne des Hautes-Vosges,

elle le parcourt

à l'écoute de ses vieux ans

et elle entend la vie.

  Son univers spatial qui s'étend de sa personne au village, son univers temporel scandé par la pendule, elle les vit, les emplit de sa présence : de son silence, de ses actes quotidiens, de ses pensées.

  " ... Elle attendit un peu devant la tasse vide et se leva. Elle ferma la radio, et passa à la petite chambre.

   Il y faisait bon, et quand le soleil donnait sur la fenêtre, c'était encore mieux.

   De sa place, elle voyait la route. Il ne passait personne. Elle resta un moment à regarder.

   Elle s'allongea sur le lit, et ferma les yeux. Elle ne se sentait pas fatiguée, mais ça ferait passer le temps."

  Le passé lointain ressurgit au long du chemin comme une trace de sa vie qu'elle reconstitue au présent.

  " Elle savait bien. Elle y était allée une fois, là-bas. C'était après leur mariage, juste après. C'était lui qui avait voulu. Autrement, elle n'y serait jamais allée. Elle était trop vieille maintenant...

   Il avait voulu. Et quand il voulait, elle devait. Surtout qu'il lui avait dit : "Allez, viens. Des voyages comme ça, t'en r'f'ras pas deux dans ta vie."

   Et elle n'y était jamais retournée une fois là-bas. Mais elle se rappelait bien : c'était beau, c'était grand, on ne s'y retrouvait pas, et ça allait - venait dans tous les sens. Oh que oui! Pour ça, ça courait. Il l'avait prévenue : "Tâche de m' suivre. Ici, on est vite perdu."

  Et puis, un certain moment, les jambes ne veulent plus la porter, les bras ne peuvent plus rien faire, et la tête ne veut plus rien savoir.

  " Ils avaient le corps usé.

   Le corps, c'était quelque chose qui permettait de faire le travail. Mais quand c'était fatigué, que ça se détraquait, et que c'était usé, ça ne voulait plus rien faire. C'était le corps qui se révoltait : il devenait malade parce qu'il avait trop servi. Les jambes ne voulaient plus porter. Et la tête ne voulait plus rien savoir. "

  Car la vieille conscience, elle est portée par quelque soixante-dix ans d'une vie dure de paysanne. Et pour l'heure, elle bat ce qui lui reste de campagne : les souvenirs, les objets, les gens. Puisque pour la vieille femme, il est question d'assumer le plus loin possible les restes de rapports sociaux et les détours que prend sa conscience quand s'efface le monde et qu'elle le réinvente.

  " - La guerre. Ah oui la guerre. Eh ben, ça n'a fait que des... que des malheureux. Voilà.

   Ils la regardaient...

   - Oui, oui. Des malheureux. Y a qu'à voir ici. Et partout, partout...

   - Ah ça y a eu des villages entiers qui ont été détruits. Des maisons brûlées. Et puis des villages où tous les gens qui étaient partis ne sont jamais rev'nus.

   Il ne disait rien l'Emile. Et l'Hippolyte, il écoutait. Mais le vieux Gérardin, c'était un acharné celui-là. "

La vieille dame débloque. Elle dé-bloque.

  C'est alors que la conscience sort des sentiers battus

par ce qui fait qu'il y a une censure sur la vie,

c'est alors qu'elle est ouverture sur autre chose :

un monde qu'elle reconstruit à partir de ce qui l'occupe :

l'à venir, le bout du chemin, la mort.

Et l'amour?

 

 

 

17 juin 2008

Une femme très ordinaire

  Michel J. Cuny - Une femme très ordinaire, roman, 1976, 115 pages, 12 euros.

 

 

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  Dès les toutes premières phrases de ce roman, un phénomène particulier se manifeste...

  "Déjà l'entrée de la ville. Vous faites, une fois encore, l'inventaire de ce que l'on doit emporter, dans ces occasions. A côté de vous, Claudine ne dit rien. Vous hésitez à tourner votre visage vers le sien. Il ne faut pas la distraire... "

  Ce vouvoiement fait immédiatement songer à "La modification" de Michel Butor. Mais la deuxième page annonce autre chose...

  "Vous savez qu'il faut fuir sans tarder. Mais tu restes là, désemparée, le corps amolli. Tu sens dans ta main ton léger bagage, dans tes yeux des larmes inopinées. Tu lèves la main gauche maladroitement, peut-être ridiculement. Tu balbuties un au-revoir."

  Or, bientôt, et comme tout un chacun de nous lorsqu'il se trouve dans la nécessité de surmonter tel ou tel trouble, le personnage sait se "reprendre" :

  "Tu tournes le dos, enfin, et tu pousses la porte. Elle résiste. Vous remarquez aussitôt la boue qui est répandue sur les petits carrés de ciment. Vous avancez d'un pas que vous voulez ferme. Tout va bien."

  Le 22 novembre 1977, Michel J. Cuny déclarait, lors d'une conférence prononcée à Saint-Dié (Vosges) :

      "Ce roman a été construit à la suite d'une réflexion sur les fonctions du langage dans la société occidentale contemporaine.

      Il porte en lui-même, de façon claire, la faille qui divise chacun de nous intérieurement et qui se nomme aliénation, c'est-à-dire le fait d'échapper à soi. Notre être-dans-le-monde nous est volé par le discours social qui nous hante et qui nous investit, bon gré, mal gré. J'appelle "être-dans-le-monde", la perception que nous avons ou que nous n'avons pas de notre liberté d'êtres humains, et l'usage que nous faisons ou que nous ne faisons pas de cette liberté.

      Plus simplement... La distinction tu/vous est le lieu où se joue le malheur de Simone et le nôtre."

 

 

10 juin 2008

...parsemés de fleurs... ...fréquentés par...

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1 mai 2008

...par les chemins...

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20 avril 2008

Le procès impossible de Charles de Gaulle

Michel J. Cuny- Le procès impossible de Charles de Gaulle, essai, 2005, 478 pages, 29 euros.

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   Qu'on imagine entendre la lecture de cet arrêt de renvoi : "Vu le réquisitoire du procureur général, Vu les pièces de la procédure, Attendu que, de l'instruction, il résulte contre le sus-nommé de Gaulle, charges suffisantes d'avoir, depuis un temps non prescrit, commis le crime de haute trahison en violant à diverses reprises la Constitution dont, en sa qualité de président de la République, il était le gardien, crime prévu et puni par l'article 68 alinéa premier de cette Constitution.

   En conséquence, Ordonne la mise en accusation du sus-nommé de Gaulle et le renvoie devant la Haute Cour de Justice pour y répondre du crime ci-dessus spécifié."

   En douze audiences qui voient défiler l'essentiel des responsables politiques qui auront côtoyé le général de Gaulle entre 1940 et 1969, c'est la souveraineté populaire qui se documente sur ce qu'a été la réalité même des actes de cet homme à propos de qui Alain Peyrefitte a pu écrire : "La vérité de de Gaulle, c'est sa légende."

   Cités dans le mot-à-mot de leurs écrits, apparaissent, entre autres : René Cassin, Claude Bouchinet-Serreulles, Pierre Cot, le général Catroux, Maurice Kriegel-Valrimont, Jean Sainteny, Pierre Mendès France, Michel Debré, Alain Peyrefitte, Jacques Foccart... et, avec eux, la Résistance, la guerre d'Indochine, le retour en 1958, les enjeux de la Cinquième République, mai 68, le départ en 1969, etc...

   Extrait de la septième audience, voici le témoignage de Claude Guy, aide de camp du Général entre janvier 1946 et septembre 1949. C'est la défense de Charles de Gaulle qui, par la voix du bâtonnier, l'interroge :

   "M. le bâtonnier : - Rappelez-nous, monsieur Claude Guy, le désarroi qu'il manifestait, lui, l'infatigable combattant de la grandeur et de la puissance de la France, au lendemain des scènes de violence qui avaient émaillé la grève des transports à Marseille le 9 novembre 1947...

   M. Claude Guy : « Quand je pense! Tant de bruit pour l'affaire de Marseille! Tant de boucan à propos de quoi? Un seul malheureux type tué et les communistes cherchent à déclencher la grève générale! »

   M. le bâtonnier : - Heureusement, le 5 décembre suivant, un événement d'une tout autre importance l'aide à reprendre espoir en la France.

   M. Claude Guy : - Il attache de l'importance au fait que les gardes mobiles ont fait, pour la première fois, usage de leurs armes, durant la grève en cours. Il prédit sans passion :  « Vous allez voir... Dorénavant, les hommes chargés du service d'ordre vont constater que, pour n'avoir pas tiré, certains de leurs camarades ont été tués ou blessés. Alors?... Eh bien, alors, ils tireront la prochaine fois!... Ce qui contrastera, d'ailleurs, avec l'attitude d'un gouvernement qui, lui, n'osera jamais tirer! Schuman, voilà leur grand homme! Eh bien, vous verrez : Schuman n'osera jamais tirer. »

   Au même moment, on mourait beaucoup en Indochine... Et en vertu de la décision personnelle de qui?...

 

19 avril 2008

Ernest-Antoine Seillière

Michel J. Cuny, Françoise Petitdemange, Christine Cuny -Ernest-Antoine Seillière - Quand le capitalisme français dit son nom, essai, 2002, 477 pages, 29 euros.

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   Cet ouvrage a été publié à une époque où Ernest-Antoine Seillière devenait le président du MEDEF (Mouvement des Entreprises de France). Actuellement, le même est, en tant que président de BusinessEurope, autrefois UNICE (Union des Industries de la Communauté Européenne), patron des patrons, à l'échelle de l'Europe.

   Ernest-Antoine Seillière est le fils de Jean Seillière et de Renée de Wendel, descendante, en ligne directe, de Jean-Martin Wendel qui fut, en 1704, à l'origine de la dynastie des marchands d'armes qui devraient, plus tard, soutenir la concurrence des frères Schneider, autres marchands d'armes qui s'installeraient, au cours du XVIIIème siècle, avec l'aide de la banque Seillière, au Creusot... Mais, pour l'heure... "Justement, la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748), la guerre de Sept Ans (1756-1763), et la guerre d'Amérique (1776-1783), qui auront duré, à elles trois, vingt années, vont permettre à Charles Wendel d'activer ses forges d'une façon considérable. Il va fabriquer, non pas les canons eux-mêmes, mais les accessoires des canons sans lesquels ceux-ci ne seraient pas utilisables : les caissons, les essieux, les affûts et... les boulets, évidemment, beaucoup de boulets, et puis encore les casques des dragons."

   Du côté des Seillière, Nicolas, par exemple, choisissait en 1799 de se spécialiser dans le double "crédit" aux fournisseurs militaires et au Trésor. Bonaparte était, pour eux, l'homme qu'il fallait. Florentin, lui, était fabricant, à Nancy, de draps et tricots pour l'armée. Raymond Dartevelle écrit : "Les nombreuses campagnes militaires révolutionnaires, l'organisation des sept corps d'armée composant la Grande Armée et les multiples théâtres d'opérations dans les pays occupés et annexés de l'Europe napoléonienne mobilisèrent un effectif de conscrits et soldats de métier toujours plus nombreux. De 1804 à 1814, on compta un peu plus de deux millions deux cent mille conscrits sous les drapeaux." Ainsi que le résume Denis Woronoff : "Ces fournisseurs et munitionnaires, dont l'histoire reste à écrire, constituèrent donc le rouage essentiel de la machine de guerre. Leur gestion fut unanimement critiquée : généraux, commissaires aux armées, députés de la droite, jacobins, habitants des pays conquis s'accordèrent à dénoncer leurs malversations."

  Les guerres napoléoniennes s'étant achevées avec la chute de l'Empire, d'autres expéditions avaient lieu et d'autres profits s'annonçaient. Raymond Dartevelle, évoquant la banque Seillière, qui deviendra la banque Seillière-Demachy, puis la banque Demachy, écrit : "Mais ce fut surtout l'expédition d'Alger de 1830 qui permit à la maison Seillière de donner toute son ampleur et de prouver son savoir-faire comme "munitionnaire général"." Et pour qui penserait que la colonisation apporte la civilisation aux peuples décidément par trop arriérés... Alexis de Tocqueville, pourtant le chantre de la bourgeoisie triomphante du XIXème siècle, encore célébré par la bourgeoisie du XXIème siècle, n'hésita pas à conclure à propos de la conquête de l'Algérie par la France : "Nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu'elle n'était avant de nous connaître."

   Mais pourquoi donc Ernest-Antoine Seillière aime-t-il à se faire appeler Seillière de Laborde? Parce qu'il faut compter avec son ancêtre à la sixième génération : Jean-Joseph de Laborde. Parti de Jaca (en Espagne) avec son père, pour être placé très jeune en apprentissage, à Bayonne, chez un parent qui pratiquait le commerce des denrées en tous genres, il gravit la première marche devant le mener à la fortune en se livrant à un trafic bien particulier : celui sur les monnaies, principalement sur les piastres d'origine mexicaine qu'il faisait passer, par les chemins de la contrebande, du royaume d'Espagne au royaume de France.

   Bientôt, grâce à son entregent, Jean-Joseph de Laborde se retrouverait dans les sphères du pouvoir royal. Voici comment il relatera plus tard, dans une lettre à l'un de ses fils, ses premiers pas en tant que banquier de la Cour de Louis XV : "Et remarquez, mon cher fils, que c'est un homme qui vient de Bayonne, établi à deux cents lieues de la capitale, qui, huit jours après son arrivée à Paris, se charge d'un service de 75 millions, ayant contre lui la cour qui ne le connaît pas, la finance et la banque qui regardent le commencement de son entreprise comme l'époque de sa chute ; aucune bourse à sa disposition, un ministre qui lui promet 4 millions de fonds, qu'il n'est pas en état de lui fournir, et 2 millions par mois qu'on ne lui a jamais donnés. Cependant je fais mes dispositions, j'écris à tous mes correspondants ; les piastres affluent dans les caves, je bats monnaie à Bayonne, à Pau à Strasbourg, et mon service se fait exactement."

   Jean-Joseph de Laborde avait pris pour épouse Rosalie-Claire de Nettine, l'une des filles de la banquière de l'impératrice d'Autriche. Très vite, avec l'action du banquier et de ses amis ministres, un renversement d'alliances allait s'opérer à l'échelle de l'Europe. La France se rapprochait de l'Autriche, jusqu'ici l'ennemie héréditaire : le mariage du futur Louis XVI avec Marie-Antoinette, fille de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, n'était pas loin...

   Par ailleurs, Jean-Joseph de Laborde était propriétaire d'au moins trois plantations de cannes à sucre dans l'île de Saint-Domingue, alors la perle des Antilles. "La progression des investissements réalisés par Laborde dans ce domaine est parlante. En décembre 1773, ils sont de 1 324 175 francs ; en février 1788, ils atteignent 2 608 780 francs. Lors du séjour qu'il effectue dans l'île, Moreau de Saint-Méry constate que les exploitations du banquier sont les plus importantes de la plaine des Cayes. À elles seules, elles emploient 1 400 Noirs... Des esclaves, bien sûr." En outre, Jean-Joseph de Laborde était propriétaire d'au moins trois bateaux négriers : "le Rosalie" (prénom de son épouse), "le Pauline" et "le Natalie" (prénoms de ses deux filles) ; ces bateaux aux si jolis noms allaient chercher hommes, femmes et enfants noir(e)s, par centaines, sur les côtes d'Afrique, pour les déporter comme esclaves en Amérique, et notamment dans les plantations des Antilles que possédaient Jean-Joseph de Laborde et ses amis.

   En ce début de XXIème siècle, comme chacun et chacune peut le voir, c'est bien encore, à travers le salariat et des personnages comme Ernest-Antoine Seillière de Laborde, la question de l'exploitation de l'être humain par l'être humain qui reste posée...

 

18 avril 2008

Fallait-il laisser mourir Jean Moulin?

Michel J. Cuny  et  Françoise Petitdemange -  Fallait-il laisser mourir Jean Moulin? essai, 1994, 462 pages, 29 euros.

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   La question qui sert de titre à ce livre prend tout son poids si l'on veut s'interroger sur ce qui est mort en même temps que Jean Moulin. Même si un long silence a régné sur la vraie grandeur de cet homme dont le nom court de rues en rues à travers la géographie de notre pays, l'Histoire n'a certainement pas fini de parler de lui, ni, surtout, de lui donner la parole.

   Cette parole, il l'a d'abord prise à sa façon le 17 juin 1940 lorsque, préfet emprisonné par les Allemands qui venaient d'occuper la ville de Chartres, il a préféré se trancher la gorge pour ne pas avoir à parler de force contre ses concitoyen(ne)s.

   Survivant malgré lui à ce premier acte de résistance, Jean Moulin devait bientôt se lancer à corps perdu dans l'unification des diverses initiatives que l'occupation nazie et la réaction pétainiste suscitaient contre elles. En octobre 1941, il est à Londres, dans le bureau de Charles de Gaulle. Il a fait remettre à celui-ci un rapport dans lequel figuraient quatre questions essentielles. Les quatre réponses du Général laissent pantois...

   Mais le pire est à venir...

   Accessoirement, on pourra juger de la hiérarchie réelle entre les deux personnages par le ton qu'emploie Jean Moulin dans le message qu'il adresse à l'homme du 18 Juin, le 7 mai 1943 : "Mais à l'heure actuelle, j'estime que vous devez vous considérer bien plus comme un chef de parti que comme un chef de gouvernement. De quoi s'agit-il, en dehors de la libération du territoire? Il s'agit, pour vous, de prendre le pouvoir contre les Allemands, contre Vichy, contre Giraud, et peut-être contre les Alliés. Dans ces conditions, ceux qu'on appelle très justement les gaullistes ne doivent avoir et n'ont, en fait, qu'un chef politique, c'est vous. Si, en 1871, Gambetta, champion de la résistance à tout prix, s'était trouvé dans la même situation que vous en juin 1940, il y aurait eu alors en France, après la signature de la convention d'armistice, un parti Gambetta dont le chef n'eût pas cessé d'être Gambetta."  

   Et le pire, donc?...

   Il réside dans la disparition d'un mot qui figurait au coeur du texte fondateur du Conseil National de la Résistance, texte dû à la plume de Jean Moulin, qui utilise ce même mot dans les deux documents préparatoires. Disparition?... Non, suppression, opérée de la main du général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre (L'unité 1942-1944, Plon 1956, page 445) de cet adverbe qui qualifiait le rôle futur du C.N.R. : "souverainement"...

   Quant à l'instrument de la trahison qui devait livrer Jean Moulin à Klaus Barbie, elle a un nom générique : La Cagoule. C'est à partir de quoi la défaite de 1940 peut trouver sa vraie signification dans le contexte d'une lutte de classes à l'échelle européenne...

   Ainsi Jean Moulin n'a-t-il décidément pas fini d'écrire l'Histoire avec toutes celles et tous ceux qui gardent le souci d'une certaine dignité humaine et qui devinent, derrière la Légende, une réalité bien plus terrible et bien plus exaltante.

16 avril 2008

Le feu sous la cendre

Michel  J.  Cuny  et Françoise  Petitdemange  - Le  feu  sous la cendre - Enquête sur les silences obtenus par l'enseignement et la psychiatrie, essai, 1986, 660 pages, 31 euros.

 

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   Pourquoi apprend-on à lire aux enfants? Une réponse naïve serait de dire que, par cet apprentissage, le système primaire d'enseignement s'efforce de donner à chaque enfant les moyens, mais surtout l'envie, de mener ses investigations dans les livres : non seulement pour réussir à tel ou tel examen, mais encore comme ressource utilisable tout au long d'une vie.

   Mais qu'en disaient eux-mêmes, les initiateurs de l'enseignement destiné aux enfants du peuple? De façon générale, comment s'expliquaient-ils la nécessité d'aboutir, par-delà l'instruction à laquelle il convenait selon la plupart d'entre eux de ne réserver que la part congrue, du côté des verts pâturages d'une éducation bien conduite?

   Voici Degérando, le grand pédagogue dont l'ombre plane sur la loi Guizot votée en 1833 : "Si le travail est le gardien des moeurs, les moeurs à leur tour ne protègent pas moins le travail : l'éducation seule peut garantir ou de la pauvreté, ou du vice, celui qui n'a de ressources que dans ses bras. Il sera condamné aux privations ; elle l'accoutumera à les accepter sans se plaindre ; il aura de grands efforts à faire ; à continuer avec persévérance ; elle lui en donnera le courage. De nombreuses et fortes tentations viendront l'assaillir, elle le défendra. Il ne recevra aucun appui des circonstances, aucune faveur du dehors ; elle lui apprendra à puiser ses ressources en lui-même. Il aura à lutter sans cesse contre les obstacles ; elle lui donnera l'énergie nécessaire pour en triompher. Il aura besoin de la plus rigoureuse économie ; elle la lui rendra facile par les habitudes de l'ordre et de la tempérance."

   Or, c'est bien le même auteur qui écrit : "[Un danger] contre lequel [l'instituteur] ne peut assez prémunir ses élèves, destinés en général à une vie simple, obscure et modeste, c'est celui auquel ils seraient exposés, si leur imagination s'égarait au dehors du cercle qui compose leur destinée, si elle allait se repaître de choses auxquelles ils ne pourront jamais atteindre [...]."

   Et voilà peut-être, "filles et fils du peuple", l'insupportable boulet auquel, de générations en générations, nous nous trouvons attaché(e)s jusqu'à n'en plus pouvoir, d'être si éloigné(e)s de cette capacité d'imaginer. Elle nous permettrait enfin de regarder en face la trame de ce passé qui ne cesse de nous étrangler pour mieux nous rendre aveugles au futur qui se dessine devant nous et peut-être contre nous.

 

 

11 avril 2008

Brassens, Brel, Ferré

Michel J. Cuny et Françoise Petitdemange, Brassens, Brel, Ferré - Trois voix pour chanter l'amour, essai, 2003, 280 pages, 23 euros.

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12____BVidéo : Brassens, Brel, Ferré 
Vercors juin 2013

   

Un troubadour,

un chevalier,

un poète...

   "Avec le recul du temps, nous sentons bien que, de façon plus générale, nous leur devons quelque chose de ce meilleur que nous rencontrons parfois autour de nous et en nous. Il semble même qu'il nous soit désormais impossible de vivre, de penser, de sentir comme nous l'eussions fait sans eux."

   Il y a d'abord ce troubadour qui sait si bien entrelacer les mots et les sons... "Sur quel décor d'amour va se lever le rideau rouge où déjà s'inscrit l'ombre de Georges Brassens, en même temps que la silhouette si féminine de sa guitare? Si celle-ci a quitté son étui pour paraître devant nos yeux attentifs, lui, nous le connaissons bien : pudique jusqu'à se saisir d'elle avec la délicatesse de l'amant du premier jour."

   "Et, tout à coup, Dans l'eau de la claire fontaine, il y a du monde, et du beau monde. C'est à n'y pas croire! Du bois nu de la compagne des soirées de triomphe à la nudité de cette fausse nymphe qui sait parfaitement jouer de l'exaltation produite par l'aller-retour du voile recouvrant ses charmes, nous cherchons, dans la hâte et l'égarement, le dessin idéal de la feuille de vigne si nécessaire..."

   Puis, caracolant, voici le chevalier qui arrive en faisant des moulinets avec ses bras. Bientôt... "Une silhouette quelque peu dégingandée sort de l'ombre pour effeuiller, sur un air de tango, le joli temps des roses. Tout homme garde, au creux de son enfance, le souvenir d'une charmante cousine, qu'elle se prénomme Rosa ou Jocelyne, pour laquelle il a eu, gamin, des inclinations toutes particulières."

   "Pour le petit Jacques, nul doute qu'une Rosa latinement déclinée en choeur sur un ton ânonné, entre les quatre murs d'une salle de classe, dans un collège tenu par des soutanes à l'aspect rigide, pouvait prendre n'importe quelle place dans une phrase mais ne pouvait absolument pas exhaler le parfum de la petite Rosa, au teint rose et frais, et à la peau délicate comme du velours. Elle avait, en elle, de quoi faire perdre, à un cousin même très sage, le peu de latin qu'il savait : "C'est le temps où j'étais dernier / Car ce tango rosa rosae / J'inclinais à lui préférer / Déjà ma cousine Rosa."

   À la fin, par trop clignant des yeux dans le rond de lumière, le poète parfois s'assied à l'ombre de son piano...

   "Et tandis qu'Elle tourne... la terre, voici Léo Ferré tout en rouge, tout en noir : "Vas-y la terre... moi j' suis pas pressé!" Plus vite venu (1916 : cinq ans avant Brassens, treize avant Brel), et plus tard reparti (1993 : douze ans après Brassens, quinze après Brel), l'homme du Rocher n'en finit pas aujourd'hui de fouailler notre imagination en nous contraignant à utiliser tout ce que nous avons de sensibilité et d'intelligence pour le suivre du côté de la roulette de la vie, à deux pas des tempêtes fondant sur l'île Du Guesclin, et parmi les fantômes de Pépée et de Zaza qu'on voit rôder encore le long des murailles du château de Perdrigal."

   S'ils ont emboîté trop tôt le pas à la dernière épouse, n'en demeure pas moins le bel ouvrage que chacun nous a laissé comme un unique et digne héritage...   

10 avril 2008

Le défi d'une écriture indépendante

  Dès 1976, Michel J. Cuny et Françoise Petitdemange ont décidé de publier eux-mêmes leurs ouvrages.

  Bien que fort jeunes et assez peu initié(e) en matière d'édition, il leur semblait nécessaire de prendre, dès le début, une voie qui permette à leur plume de ne jamais devenir serve.

  Par ailleurs, pour eux, l'écriture ne pouvait se borner à être une activité ludique ou une création réservée à soi et à ses plus proches. Elle devait faire ses preuves sur la scène sociale et en recueillir les moyens de se multiplier en assurant la survie quotidienne de ses auteur et auteuse.

  Trente-sept ans se sont écoulés depuis... Trente-sept ans durant lesquels, de la première à la dernière minute, il aura été question, pour eux, de vivre uniquement de l'écriture de leurs livres, et de développer les contenus de recherche et les variations de style dont on pourra découvrir ici le petit bout de l'oreille...

 Au_fil_de_la_vieTous les ouvrages

présentés ci-dessous sont cousus-collés.

Pour atteindre la page de commande et de paiement,

c'est ici.

 

8 avril 2008

Bienvenue sur le blog de M.J.C. - F.P.

Bienvenue_sur_le_blog

N'hésitez pas à nous rejoindre sur notre nouveau site :

http://unefrancearefaire.com

 

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