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Michel J. Cuny et Françoise Petitdemange
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16 avril 2008

Le feu sous la cendre

Michel  J.  Cuny  et Françoise  Petitdemange  - Le  feu  sous la cendre - Enquête sur les silences obtenus par l'enseignement et la psychiatrie, essai, 1986, 660 pages, 31 euros.

 

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   Pourquoi apprend-on à lire aux enfants? Une réponse naïve serait de dire que, par cet apprentissage, le système primaire d'enseignement s'efforce de donner à chaque enfant les moyens, mais surtout l'envie, de mener ses investigations dans les livres : non seulement pour réussir à tel ou tel examen, mais encore comme ressource utilisable tout au long d'une vie.

   Mais qu'en disaient eux-mêmes, les initiateurs de l'enseignement destiné aux enfants du peuple? De façon générale, comment s'expliquaient-ils la nécessité d'aboutir, par-delà l'instruction à laquelle il convenait selon la plupart d'entre eux de ne réserver que la part congrue, du côté des verts pâturages d'une éducation bien conduite?

   Voici Degérando, le grand pédagogue dont l'ombre plane sur la loi Guizot votée en 1833 : "Si le travail est le gardien des moeurs, les moeurs à leur tour ne protègent pas moins le travail : l'éducation seule peut garantir ou de la pauvreté, ou du vice, celui qui n'a de ressources que dans ses bras. Il sera condamné aux privations ; elle l'accoutumera à les accepter sans se plaindre ; il aura de grands efforts à faire ; à continuer avec persévérance ; elle lui en donnera le courage. De nombreuses et fortes tentations viendront l'assaillir, elle le défendra. Il ne recevra aucun appui des circonstances, aucune faveur du dehors ; elle lui apprendra à puiser ses ressources en lui-même. Il aura à lutter sans cesse contre les obstacles ; elle lui donnera l'énergie nécessaire pour en triompher. Il aura besoin de la plus rigoureuse économie ; elle la lui rendra facile par les habitudes de l'ordre et de la tempérance."

   Or, c'est bien le même auteur qui écrit : "[Un danger] contre lequel [l'instituteur] ne peut assez prémunir ses élèves, destinés en général à une vie simple, obscure et modeste, c'est celui auquel ils seraient exposés, si leur imagination s'égarait au dehors du cercle qui compose leur destinée, si elle allait se repaître de choses auxquelles ils ne pourront jamais atteindre [...]."

   Et voilà peut-être, "filles et fils du peuple", l'insupportable boulet auquel, de générations en générations, nous nous trouvons attaché(e)s jusqu'à n'en plus pouvoir, d'être si éloigné(e)s de cette capacité d'imaginer. Elle nous permettrait enfin de regarder en face la trame de ce passé qui ne cesse de nous étrangler pour mieux nous rendre aveugles au futur qui se dessine devant nous et peut-être contre nous.

 

 

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